Aux racines cachées du macronisme
Au fait, quelle peut bien être la couleur politique du Blog de Bruno ? Vous avez bien dû vous poser cette question, cher lecteur. Vous pourriez, pour en savoir davantage, lire l'article que j'ai publié en ligne dans la revue Contrepoints. En voici la première page :
Il y a loin des paroles aux actes et l’état de grâce dont a joui le Président Macron ne permet pas de préjuger si le concept de macronisme restera. En revanche, les lettres de noblesse de ce concept sont connues : la Deuxième gauche (mais avec les institutions de la Cinquième République), Michel Rocard, la revue Esprit, le philosophe Paul Ricœur. Peut-on remonter plus haut ? C’est ce qu’on va essayer de faire en remontant jusqu’en 1830.
François Furet avait adopté la vision de Tocqueville qui brandissait l’épouvantail de la guerre civile en affirmant le 12 août 1848 devant l’Assemblée nationale que Babeuf était « le grand-père de tous les socialistes modernes ». C’était placer le même cliquet anti-retour qu’Engels devant le socialisme républicain des années 1830 et 1840 et le repousser dans un angle mort d’où les tenants du socialisme scientifique se sont bien gardés de le sortir. Pierre Rosanvallon a rappelé dans Le Monde du 17 juin dernier que Pierre Leroux avait inventé le mot socialisme pour le poser en face du mot individualisme. Mais ce qui importe plus encore, c’est le et utilisé par Leroux dans son article programmatique de 1834, De l’individualisme et du socialisme.
Ce et correspond au en même temps d’Emmanuel Macron. En même temps, la liberté et l’égalité ; en même temps l’entreprise et le social, en même temps le récit national et l’histoire globale ; en même temps aider les ZEP et rétablir le latin et le grec ; en même temps de Gaulle et Mendès France, etc. Une telle pensée pulvérise les a priori, les entêtements partisans, les manichéismes, « les entre soi et les ironies » qui divisent la vie politique française depuis 1830. La division de la droite et de la gauche existe peut-être en France depuis 1789, mais c’est depuis 1830 qu’apparaît vraiment l’opposition entre les partisans du laisser faire, laisser passer et les partisans de l’organisation du travail.
Bien sûr, Paul Ricœur professait que « tous les livres étaient ouverts devant lui » et que marcher consistait à avancer « sur un chemin de crête flanqué d'un abîme de chaque côté ». Bien sûr, l’éducation jésuite reçue par Emmanuel à La Providence défendait la bienveillance et apprenait à convaincre plutôt qu’à s’opposer frontalement. Bien sûr, Esprit fut, pendant Les Années Sartre le foyer de la pensée antitotalitaire, qu’elle soit d’inspiration stalinienne ou maoïste, à un moment où la plupart des intellectuels français se sont lourdement fourvoyés. Ricœur, les jésuites, Esprit, la deuxième gauche, c’est un bel héritage et Emmanuel Macron fut un bon héritier, qui, dès sa jeunesse, cherchait la compagnie des adultes qui pouvaient lui apporter quelque chose.
Mais ces adultes ont-il su, eux-mêmes, remonter à la source de la pensée de l’ambivalence apparue au moment où se mettaient en place les catégories de la pensée politique moderne ?
https://www.contrepoints.org/2017/06/29/293412-racines-intellectuelles-cachees-macronisme