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L'empire chinois ?


Jeudi, avec Danielle et Pierre-Adrien, sous le grand olivier de Lucques, nous avons reparlé de la conclusion, finalement pas si pessimiste, du livre de Régis Debray, Civilisation : comment nous sommes devenus américains. Debray dit que tout empire périra mais qu'il est appelé à renaître sous des formes nouvelles après métissage avec plus fort que lui. La vieille Europe, comme disait Donald Rumsfeld, s'est déjà américanisée, soit, mais Debray ne dit pas avec qui la civilisation occidentale peut désormais se métisser. Il n'y a pas 36 solutions. Samuel Huntington comptait 7 ou 8 grandes civilisations dans le monde en tête desquelles figurent l'occidentale, l'islamique et la chinoise, sans oublier la japonaise, chère Haruko, cher Nobutaka, cher Fumio. Il est clair que l'islam est en plein résilience de Dakar à Djakarta, la carte des conflits mondiaux le montre assez, mais Debray ne lui accorde aucun pouvoir de diffusion au delà de ses adeptes car, en un mot, il n'est pas assez sexy. Il ne formule aucune proposition en politique, en science ni en art. Un simple feu de paille ?

Reste l'empire chinois dont Debray ne parle guère alors qu'il est en passe de supplanter l'empire américain qui a lui-même succédé à l'empire français et à l'empire britannique.

Seront-nous mangés à la sauce chinoise comme les frelons chinois attaquent nos pauvre abeilles ? C'est bien possible. Mais en quoi consiste au juste cette sauce chinoise ? La cuisine et l'acupuncture ? Avec plaisir. Le maoïsme ? Certainement pas. Il est out. Le Tao, le bouddhisme, le confucianisme ? Ça n'en prend pas le chemin et les Chinois eux-mêmes semblent s'en détourner. Ces belles sagesses ne seraient certes pas pour nous rebuter car grand est leur universalisme. Ce ne sont ni ses pagodes, ni ses porcelaines ni ses dragons que la Chine exporte en pagaille dans le monde entier, ce sont des copies des objets manufacturés conçus dans les laboratoires occidentaux.

Il y a donc un grand malentendu à dissiper : c'est une suprématie commerciale que vise la Chine avec ses nouvelles routes de la soie, laquelle n'implique aucune chinoiserie, aucune sinéité. C'est donc un surplus de consumérisme aveugle et de guerre économique qui nous pend au nez bien plus qu'un métissage civilisationnel. Joseph de Maistre pouvait écrire il y a deux siècles pour résister à l'idéologie des droits de l'homme :


Il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être Persan : mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien à mon insu.


C'est aujourd'hui l'inverse qui est à l'ordre du jour. Les cultures locales s'effondrent par pans entiers comme des falaises battues par l'océan. On voit très bien ce qu'une mondialisation dominée par la Chine ou par n'importe quelle autre puissance peut détruire dans la culture européenne, mais que peut-elle co-reconstruire ? Alors, oui, l'homme nouveau adviendra, dépourvu de traits ethniques marqués, ramené aux fondamentaux de notre nature au premier rang desquels les Grecs avaient pointé l'hybris et Tocqueville la rivalité...

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