Le troisième épreuve du prétendant
Langue au chat, mes lecteurs ? Je n'ai reçu aucune réponse à ma question du 23 septembre sur la troisième épreuve à laquelle soumettre le prétendant à la main de votre fille. Vous pouvez aller voir sur place les deux premières épreuves. Voici la troisième que je propose. Je demanderai au grandin s'il compte vivre en France ou à l'étranger. Dans le second cas, recalé !
Un lecteur anonyme : Il me semble que, là, Bruno, vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas. L'amour ne connaît pas de frontière.
Bruno : Comment ça, de ce qui ne me regarde pas ? Mais il s'agit de ma fille !
Le lecteur anonyme : Vieille conception patriarcale complètement dépassée. Nos enfants ne nous appartiennent pas !
Bruno : Je le sais aussi bien que vous. C'est juste que vous ne me comprenez pas. Qui ira chercher les petits-enfants à l'école ?
Le lecteur anonyme : Quoi ? Quels petits enfants ?
Bruno : Ben, je ne sais pas moi... Des fois, quand on se marie ou qu'on vit en couple, il arrive qu'on ait des enfants et les enfants des enfants, ça s'appelle des petits-enfants.
Le lecteur anonyme : On a de la chance de vous avoir, mon blogueur ! D'autres s'en occuperont, des petits-enfants... Bruno : Vous voulez dire que si le prétendant de ma fille va vivre au Canada ou en Australie, ce sera une nounou qui s'occupera de leurs enfants jusqu'à 8 heures du soir et quand ils rentreront éreintés de leur journée, ils iront juste embrasser leurs enfants au lit. Qui s'occupera de leur faire faire leurs devoirs tranquillement et de leur faire réciter leurs leçons, de leur raconter des histoires ? En plus, les vieux finiront leur existence dans la solitude.
Le lecteur anonyme : Il y a du juste dans ce que vous dites...
Bruno : Vous savez le regret que j'ai, mon lecteur anonyme ?
Le lecteur anonyme : Vous allez me le dire... Bruno : Pendant des années, je me suis occupé de faire partir des étudiants aixois Erasmus en Angleterre, en Irlande, en Espagne, et je leur disais que la meilleure façon d'apprendre une langue étrangère, c'est de prendre une petite amie dans le pays. Je ne me rendais pas compte que j'ai dû casser des familles entières ! Le lecteur anonyme : Il y a quand même des avions à notre époque !
Bruno : Et l'empreinte CO2, vous y avez pensé ? Je fais parfois le cauchemar d'un mouvement brownien incessant d'avions et de TGV. Il est inconcevable que la moitié de l'humanité continue à parcourir notre planète dans tous les sens comme elle fait !
Le lecteur anonyme : Et le péril nationaliste, vous y avez pensé ? L'avenir est dans le métissage ! Levi-Strauss n'a-t-il pas montré que le tabou de l'inceste était une injonction positive à la réciprocité, indispensable à toute créativité ? Regardez les Corses avec leur clanisme. Ils prennent de mauvaises habitudes...
Bruno : Vous tombez bien avec les Corses ! J'ai une excellente amie à Ajaccio. Vous savez comment elle vit ? Eh bien, elle a ses quatre filles à proximité. Elle nous a même invités tous ensemble dans le restaurant de Vanina. Pas de chance, Vanina était malade, mais il y avait Delphine, Alexandra et Mélanie. Rien que des prénoms aimés de Stendhal. Quelle belle soirée ! Mercredi, l'un de ses petits enfants est tombé malade et ne pouvait aller à l'école. Il a suffi d'un coup de fil pour qu'elle vienne s'en occuper.
Le lecteur anonyme : Le revers de la médaille, c'est que ces gens-là n'ont jamais dû sortir de leur trou.
Bruno : Détrompez-vous ! Ils ont tous vécu à Lyon, à Paris, à Istanbul et même aux Comores.
Le lecteur anonyme : Bon, alors qu'est-ce que vous proposez ?
Bruno : Rien du tout. À chacun de faire ses comptes. J'ai juste voulu, le temps d'un billet, donner à penser sur la famille et sur la planète, histoire de tordre le bâton dans l'autre sens. Mais je suis le premier à dire qu'un bâton a deux bouts, comme l'a parfaitement exprimé Simone Weil : "Le droit à l'enracinement devrait figurer parmi les droits de l'homme mais le déracinement, c'est la vie de l'esprit."
Photo : Josef Floch, Interieur mit Schwarzen Paravent, (Alberta, Vienne)