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Le cercle délicat des bagues disparues


Avez-vous lu La Fin de Satan, cher lecteur ? Il faut avouer que nous ne sommes plus équipés pour avaler 4000 alexandrins. J’en ai quand même sélectionné une douzaine, pour attaquer cette belle semaine, je suis sûr que vous pourrez le supporter. Vous enverrez bien un petit salut à notre grand poète national ! Hugo décrit une élégante qui ne se rend pas à un rendez-vous galant :


Une femme se hâte en une rue étroite ;

Elle regarde à gauche, elle regarde à droite,

Et marche. S’il faisait moins sombre au firmament,

On pourrait à ses doigts distinguer vaguement

Le cercle délicat des bagues disparues ;

Son pied blanc n’est pas fait pour le pavé des rues ;

Elle porte un long voile aux plis égyptiens

Plein de rayons nouveaux et de parfums anciens.

Jeune et blonde, elle est belle entre toutes les femmes ;

Elle a dans l’œil des pleurs semblables à des flammes ;

C’est Madeleine, sœur de Lazare. (Pléiade, 1950, p. 889-890)


Sans frapper, Madeleine pénètre dans une maison basse où brille une lumière. C’est la maison de Marie où quelques femmes veillent, comme dans Le Mariage de Figaro. Les nouvelles sont très mauvaises. Au fond de sa remise, dans un quartier misérable de Jérusalem un charpentier de croix a sélectionné un madrier difforme plein de nœuds. « Ça fera… », a dit le légionnaire. Les 3 Marie ne sauveront pas plus Jésus qu’Andromaque, Hélène et Hécube n’ont sauvé Hector (mon billet du 8 novembre 17), mais la trajectoire de l’histoire universelle est déviée.

La chute de Satan, en effet se ralentit. Voilà 4000 ans qu’il tombe dans l’abîme, tête en bas. Hugo multiplie les effets spéciaux et les tableaux gothiques, genre : « On entendait suinter le néant goutte à goutte » ou « L’enfer aboya. » Mais Satan finira !

Pour Hugo, les deux événements les plus importants de l’histoire de l’humanité sont la Passion du Christ et la prise de la Bastille. Le premier annonce le second. Allons, encore 7 vers !


Sublime embrassement des grandes mains sanglantes !

Tout homme en pleurs a droit au regard éternel.

Tous, l’esclave, le nègre aux reins ceints d’un pagne,

Le casseur de cailloux songeant dans la campagne,

Le vil forçat, roulant quelque horrible rocher.

L’oubli que ferait Dieu du dernier et du moindre

Suffirait pour ôter au jour le droit de poindre. (Ibidem, p. 1062 et 1075)


Photos : Hugo par Nadar en 1884 et L'homme à la houe par Jean-François Millet, 1861.

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