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Vous croyez en Dieu ?


Je trouve cette question assez niaise. On ne va quand même pas se mettre à faire des dissertations de philo en plein mois d’août sur l’existence de Dieu ! Wittgenstein ne disait-il pas : Sur ce que tu ne connais pas, tu garderas un noble silence. Non sans un peu d’irritation envers le bavardage de ceux qui croient savoir ou qui assurent que Dieu leur a parlé à l’oreille. C'est ma position.

Il y a par contre une question très simple, très immédiate et très sensible : votre cœur, à l’heure qu’il est, est-il épanoui et gonflé, ô mon lecteur qui vous êtes levé du bon pied ce matin, ou angoissé par quelque souci ? Que vous dit le baromètre incrusté dans votre poitrine ? Ce baromètre mesure l’intensité de la pulsion de vie qui traverse votre personne. Cette poussée vitale n’est pas une question de croyance ni une question de philo pour amateurs de belles dissertations, c’est elle qui nous tire de notre lit chaque matin à la recherche du plus grand bonheur possible.

Ce qui est définitivement mystérieux, c’est l’origine de cette pulsion vitale. Ni les savants ni les philosophes ne nous diront jamais pourquoi il existe quelque chose plutôt que rien. C’est la limite infranchissable de la compétence humaine. Par contre, cette pulsion, nous en éprouvons l’existence à chaque instant dans notre for intérieur. Comment la nommer ? En langage technique, il est un terme commode et « de vieille souche », comme dit Philippe Jousset : Dieu.

Mais attention, Dieu immanent ! C’est-à-dire Dieu dans le monde, que Pierre Leroux appelait aussi Vie universelle. On peut bien mettre la majuscule tant la Vie universelle transcende notre petite personne tout en restant immanente au monde. La Vie universelle, personne ne nous demande si nous y croyons ou si nous n’y croyons pas. Elle est comme une flèche qui nous transperce, dirigée de l’amibe à l’ange, bien connue depuis Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et Jean-Baptiste de Lamarck.

J’ai eu la grande satisfaction de découvrir que les deux penseurs qui m’ont le plus inspiré, le psychologue Paul Diel et le politique Pierre Leroux se rencontraient sur ce point comme sur les autres. Quel sentiment peut nous inspirer le sentiment d’être traversé par la vie universelle ? L’admiration et l’effroi, observe Diel. L’admiration devant l’existence du monde, les merveilles de la nature, le phallus qui se dresse devant la beauté et tant d’autres choses. L’effroi devant notre impuissance devant le mystère, devant de notre petitesse, devant notre disparition programmée.

Après, la proportion de ces deux sentiments, l’admiration et l’effroi, est variable d’une personne à l’autre et selon les moments de la vie. On appelle ça joie de vivre ou mélancolie. C’est la grande question et la seule. Elle n’est que le miroir de notre personne, elle-même parcelle de la vie universelle et ne dit rien sur le Dieu transcendant né à Ur il y a 3 ou 4000 ans

Plutôt que de crier Moi, je suis athée ! quand on me demande si je crois en Dieu, je retourne immédiatement la question : Dieu immanent ou dieu transcendant ? Cela a l'avantage secondaire de ne pas fermer la porte au dialogue avec un croyant juif, chrétien ou musulman. Il est probable d'ailleurs que l'érection d'un Dieu transcendant ait justement pour origine les sentiments d'admiration et l'effroi.


Photo : Route de Bastia à Corte en novembre 2017.

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