L'enracinement, un droit de l'homme
J'ai accompagné Faustine et Antonia voir Yao. Franchement, ce film est très honnête et je le recommande. J'y ai retrouvé l'ambiance du Sénégal que j'avais visité l'année dernière avec ses incroyables sourires. Finalement, le film est moins centré sur le petit garçon débrouillard que sur l'acteur Omar Sy retourné au pays pour se voir décerner quelque Oscar et qui se trouve happé pour quelques jours par la terre de ses ancêtres.
C'est là que je veux en venir. La clé du film est dans la scène où Omar se fait traiter de Bounty. Il l'est en effet dans sa manie de regarder tout le temps sa montre et les vieux lui conseillent de se calmer et de se tourner un peu vers ses racines. Omar rentrera en France, mais c'est la voix des vieux qui continue à vibrer après le film, la terre et les morts, en un mot, la terre où reposent les morts et où germent les moissons.
J'ai choisi ce thème parce qu'il me paraît précieux et menacé et critiqué contradictoirement par la mondialisation ultralibérale qui est en train de tout uniformiser et par la gauche radicale qui fait de l'enracinement un péché mortel. On se trouve donc réduit à l'alternative manichéenne mondialisation / nationalisme.
Je prendrai la défense des enracinements à toutes les échelles possible : la famille, la commune, la région, la nation. Loin d'être réactionnaires au sens péjoratif du terme, ces échelles, ou ce qu'il en reste, sont ce que nous avons de plus précieux car c'est là que se tissent les solidarités et les résistances au tout économique.
Bien sûr que le nationalisme est un fléau qui a déjà provoqué deux guerres mondiales et bien sûr qu'il est fort fâcheux de le voir ressurgir un peu partout dans le monde ! Mais on n'évite pas un fossé en se jetant dans le fossé opposé !
Le débat est donc à trois et non à deux termes. La bonne échelle entre le nationalisme fascisant et le tout économique, ce sont les petits groupements de personnes qui se connaissent.
Je ne connais rien de mieux pour sortir du manichéisme que le petit livre de Simone Weil L'Enracinement. Après tous les drames de la Deuxième guerre mondiale, SW dit que le droit à l'enracinement devrait être ajouté aux droits de l'homme, ce qui ne l'empêche pas de rappeler que "le déracinement, c'est la vie de l'esprit".