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Le père de famille, héros des temps modernes

C'

C'est Péguy qui dit ça. Car le père de famille a charge d'âmes tandis que le célibataire ne vit que pour lui, ce qui est beaucoup plus facile. Il n'a pas de responsabilités. Je ne sais pas très bien pourquoi Péguy disait cela il y a un siècle, mais aujourd'hui, cette idée va contre l'air du temps qui valorise l'individu plutôt que la paternité et la famille, ces vieilleries.

Au plan romanesque, on sait depuis L'Éducation sentimentale qu'un héros peut être médiocre, mais peut-il être pater familias ? Ce n'est pas sûr.

On se souvient comment finissaient les contes de fées, mais le mariage et les nombreux enfants, ils ne les racontaient jamais. Pas assez de péripéties, pas assez d'histoires d'amour, trop de gestion et de calculs. Prenez Fabio Montale, le héros d'Izzo. Il a connu beaucoup de femmes mais n'a su en retenir aucune. C'est pourtant un excellent garçon qui a hérité de ses ascendances italiennes un fort sens de la famille, mais il a beaucoup plus d'allure en chevalier errant, sorte de Lucky Luke malchanceux qui traîne sa peine dans les quartiers de Marseille, prêt à toutes les folies. Qui descend aussi beaucoup de bouteilles de Lagavulin, de pastis et de rosé de Cassis. Connaissez-vous des héros de romans qui soient pères de famille ? Ou alors, ça tourne à l'étude sociologique.

Les héros de Houellebecq et de Despentes aussi picolent énormément. Mais la famille est l'horizon absolu de Houellebecq. De Despentes aussi, je ne suis pas loin de le penser. Houellebecq marche sur les traces de Huysmans dont le meilleur roman, En ménage, porte un titre provocateur à souhait de la part de ce contempteur du mariage "bourgeois" comme on dit. Ce roman est une modification de L'Éducation sentimentale : comme si à la dernière page, quand Madame Arnoux se présente, en les cheveux blancs devant lampe, Frédéric l'avait prise dans ses bras et gardée chez lui au lieu de la repousser.

Au reste, au soir de sa vie, le vieux Flaubert, perdu de morosité, avoua à George Sand ses regrets d'avoir fui la vie pour l'art et de n'avoir pas eu d'enfants comme elle.

Aut liber aut liberi, disait Nietzsche




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