Jésus s'élança plein d'enthousiasme dans le communisme
Le 28 octobre 1849, Pierre Leroux écrivait qu'en disant « Je meurs afin que tous soient en un », Jésus s'était élancé, "plein d’enthousiasme, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le communisme ». Au sujet du communisme de Jésus, je pense quant à moi à la parabole du jeune homme riche dans laquelle Jésus nous recommande d'abandonner tous nos biens aux pauvres car "il sera plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu qu'à un chameau de passer par le chas dune aiguille". J'adore le chameau, surtout avec sa bosse ! Mais c'est surtout sur le "plein d'enthousiasme" que je m'interroge. Leroux, qui n'a cessé de critiquer le socialisme absolu ( = communisme) autant que l'individualisme absolu, semble pointer discrètement chez Jésus une exaltation qu'il n'approuve pas.
D'ailleurs... Non seulement les sociétés communistes se sont toutes cassé la figure, un peu comme quand un organisme greffé rejette un corps étranger. Mais nous savons bien qu'en dehors des monastères, il n'a jamais existé de société chrétienne où chacun ne pense qu'à donner aux autres au point que soient abolies toutes les inégalités et les violences. Les sociétés chrétiennes n'ont pas connu moins de castes, de misère, d'intolérance et de guerres que les autres.
Je dirais que le sacrifice de soi, qu'il soit recommandé par Jésus ou imposé par Lénine, est un idéal trop élevé pour l'homme. Marx a critiqué la religion, mais il a fait la même erreur anthropologique consistant à réclamer un don sans contrepartie immédiate.
Cela nous ramène à Marcel Mauss : le don sans contre-don, ça ne marche pas. L'homme est ainsi fait qu'on ne peut lui demander de se sacrifier bien longtemps. Il peut apprendre à partager, à ne pas se servir avant qu'on l'y ait invité, à rendre quand il a reçu. Mais renoncer à tout intérêt personnel, ça non. Pas plus que rester plus d'une minute la tête sous l'eau.