Premières impressions de Téhéran
J'espère que je vous ai manqué, cher lecteur.trice. Vous m'avez manqué en tout cas car l'expédition de mon blog est censuré en Iran et je n'ai pu envoyer de billets pendant 12 jours. Me voici en transit à Istanbul sur le chemin du retour et ça marche ! Je vais donc expédier dans l'ordre mes notes de voyage.
(mercredi 10 avril)
Michèle est arrivée à ses fins : à 4 heures ce matin (le 11 avril), nous avons atterri à Téhéran. Le veilleur de l’hôtel Markazi nous a ouvert et, en prenant notre petit déjeuner, je me suis demandé pourquoi les peuples se font tant la guerre. Tout le monde avait l’air tellement souriant et content de nous voir ! Comme les Iraniens sont pudiques, serviables et hospitaliers !
Sommes descendus à pied vers le Grand bazar en traversant les quartiers du centre datant du XIX° siècle. Téhéran est une ville comme toutes les villes du monde. Il faut donc aller à la recherche des petites différences. Michèle admirait la largeur et la propreté des trottoirs, dignes de Tokyo. Il faut dire que les chiens sont interdits, sauf les utiles pour la police ou les tremblements de terre. Partout de la végétation et des jardins bien tenus. Une petite barrière végétale sépare le plus souvent le trottoir de la chaussée. Les maisons, assez basses, celles qui n’ont pas été modernisées, sont en briques pâles ainsi que les bâtiments publics, toujours avec des pilastres et des différences de relief sur lesquels joue la lumière. Les pays sans pierre n’ont pas à avoir de complexe, dit Michèle.
Minces et sophistiquées, les femmes portent le voile avec élégance grâce à un chignon ou une sorte de hennin. La plupart laissent voir une partie de la chevelure, ce qui donne lieu à une guerre des centimètres : à partir de combien de centimètres une tenue n’est plus décente ? Elles n'ont pas envie d'être fouettées mais avec leurs longs cils et sourcils, il ne leur était pas difficile de me décocher des œillades qui me rappelaient mes succès d’Alexandrie où j'étais le Peter O’Toole des étudiantes. Mais moi, au bras de Michèle, j’étais incorruptible !
Danger aussi comme piétons. Traverser les avenues, c’est comme jouer à la roulette russe. Priorité absolue aux voitures qui se bousculent avec la même conduite ondoyante et frôlante qu’au Caire mais personne ne se fâche. Les chauffeurs accélèrent quand je freinerais et inversement. Et comme l’homme rapporte toujours ce qu’il découvre à ce qu’il connaît déjà, je dirai encore que c'est la même sensation de pollution qu’au Caire, autre cité obèse du Moyen-Orient, en raison d’une essence mal raffinée qui vous monte à la gorge au fur et à mesure que la chaleur monte. Le Caire la sunnite arabe, et Téhéran, la chiite indo-européenne.
Longues de plusieurs kilomètres, en sens unique, les artères du centre ne sont reliées par aucune transversale autre que des « allées » et impasses en forme de labyrinthe dans lesquelles nous nous sommes égarés et épuisés avec au bras les kilos de pistaches que nous avons eu la sottise d’acheter dès le matin. Les marches d’escalier aussi sont inhumaines, au moins du 25 ! Ça peut aller jusqu’à du 30 et même du 35 !
Une bonne chaleur de début de printemps ne nous a pas donné envie d’autre chose que de descendre force jus de fruits. Nous avons seulement claqué deux millions et demi de rials chez le marchand de fruits secs. L’inflation provoquée par le blocus nous a rendus millionnaires.
La soirée a été moins glorieuse. On nous a avertis à l’hôtel que les restaus fermaient à huit heures et que, de toute façon, il n’y en avait pas dans notre rue. Sur deux kms, il n’y avait en effet que des commerces de luminaires et d’électricité des deux côtés. Il fallut marcher vite jusqu’à la place Ferdowsi, ce grand poète épique, mais là rien que des boutiques de chaussures et des banques au lieu des restaus annoncés. J’eus la mauvaise idée de demander à un chauffeur de taxi de nous en trouver un. Il nous a promenés une heure pour rien car c’était jeudi soir et on a fini la soirée dans un méchant fast food où on a avalé une pizza avec des couverts en plastique. Avoir explosé notre bilan carbone pour ça !
(à suivre)