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Comment peut-on être persan ? (d'Ispahan le 20 avril)



Je ferai l’éloge de l’homme iranien (homo iranianus). Le sourire est partout. Il suffit de dévisager quelqu’un plus d’une demi-seconde et vous recevez un large sourire. C’est vrai des garçons au profil achéménide, note Michèle, aux sourcils ténébreux comme des gitans, à la chevelure noir de jais, coupée undercut avec une mèche sur le crâne comme un turban ou comme le nom d’Allah. Chez nous, en les croisant, les femmes serreraient leur sac à main contre elles et les flics leur réserveraient un bon contrôle au faciès. Eh bien ici, ils sont gentils comme tout et se mettent à 5 pour nous indiquer notre chemin ! Pareil pour les femmes, même les plus voilées. J’en ai fixé certaines en agrandissant mes pupilles : eh bien, savez-vous quoi ? Il y en a une qui m’a demandé de poser auprès d’elle pour un selfie ! Que serait-ce si je lui avais fait un clin d’œil ?

Pas de mendiants, pas de bakchich, pas de marchandage, pas de sollicitations, pas de mégots ni de chewing gum sur les trottoirs. Pas de tas de gravats ou d’ordures le long des trottoirs et des routes. La balayette et l’arrosoir sont les outils les plus communs. Partout, on sent le désir de bien faire, dans la façon d’essuyer une table ou de vous remettre un objet comme une bouteille d’eau minérale : à deux mains sur un petit plateau, à la japonaise. Dans un café de Kashan, j’ai été touché de trouver au pied de ma tasse deux toutes petites amandes courbes comme des virgules et un petit verre d’eau de rose.

La réserve accompagne la disponibilité. La langue est douce, pas de regards appuyés ni d’insistance quand c’est non. Les familles aiment pique-niquer dans les jardins publics, les couples arpentent les promenades et c’est toujours l’homme qui porte le bébé dans ses bras, remarque Michèle. Je sens une sorte de pudeur qui me fait penser à la décence des gens ordinaires chère à George Orwell.

Piétons dans les bazars ou taxis sur les boulevards, c’est la cohue sans jamais d’impatience. Les taxis se coupent le chemin et ne respectent aucune priorité sans provoquer aucune protestation. La bienveillance semple régir la vie publique et très vite, comme un œil qui accommode selon la luminosité, la méfiance se change en confiance.

Bien sûr, l’histoire profonde du peuple iranien m’échappe mais je ne peux m’empêcher de me demander si cette bienveillance n’a rien à voir avec les deux piliers de toutes les cultures traditionnelles, la religion et la famille, toutes deux patriarcales évidemment. N’est-ce pas un truisme, après tout de dire qu’il n’existe pas de fraternité sans paternité ? La plupart de ces paternités étaient abusives, c'est certain et c’est pour ça qu’on s’en est débarrassé en France. Mais que de miel on a perdu en même temps dans les rapports humains !

(fin)



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