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De la bienveillance


Un peu oublié, le mot ressurgit. J'y ai pensé en Iran pour décrire les sentiments prégnants dans les relations anonymes. Je prends une file d'attente, par exemple pour procéder à l'enregistrement d'un vol dans un aéroport. En France, je dois dire que mes sentiments sont loin d'être bienveillants envers toutes les personnes que je côtoie. Celui-ci baille sans mettre sa main devant sa bouche. Cet autre mâche de la gomme comme un ruminant. En voilà un absorbé dans son téléphone et qui en oublie d'avancer dans la file. Celle-là me presse si fort que c'est la troisième fois qu'elle me bouscule avec son sac. Et cette autre, agenouillée en plein milieu qui tient son billet dans sa bouche pour fourrager dans sa valise ! Disons que j'éprouve des restrictions affectives à leur égard...

Je sais bien qu'on pourra attribuer mes sentiments antipathiques à la noirceur de mon caractère. Pour ma défense, je ferai valoir que j'apprécie la modestie de ce petit vieux à l'air un peu perdu, la taille flexible de cette jeune fille qui feuillette un magazine ou le visage ouvert de cet homme à peine grisonnant.

Mais c'est de sociologie plus que de psychologie que je prétends vous entretenir ce matin, ô mon lecteur qui ne me fait pas de quartier. Car ces antipathies, c'est en France que je les éprouve et elles s'inversent en sympathie quand je me retrouve à Téhéran, à Dakar ou au Caire.

Là encore, j'ai bien conscience que je peux avoir tendance à valoriser ce qui n'est pas mien et à accorder trop de crédit à l'altérité et à l'exotisme. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée qu'une plus grande bienveillance prévaut dans les pays moins engagés que nous dans la modernité, c'est-à-dire où la famille et la religion sont encore des institutions solides. On y recueille une qualité de sourire inconnue sous nos climats et une familiarité immédiate dans les rapports de rue.

Et vous, après tout, mon lecteur, quels sentiments éprouvez-vous envers votre prochain en Jésus-Christ, à la poste ou à la boulangerie ? Voilà bien par où commencer une bonne petite méditation... Plus simplement, je dirai que le charmant garçon de café avec qui j'ai eu affaire tout à l'heure au Saint-Giniez (angle Prado/Mazargues) m'a prouvé en moins d'une minute combien la bienveillance est bienfaisante.


Photo : cocktail de jus de fruit, Ispahan.

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