top of page

Des palais entassés les uns sur les autres

Toute ressemblance...


Alice : Quel somptueux petit déjeuner ! Regarde ces crèmes et ces confitures. Et la vaisselle… On voit qu’ils ont vraiment le désir de bien faire les choses.

Hector : Oui, et les tours de porte en marbres de différentes couleurs ! Et les fresques au plafond !

Alice : Tu crois que je peux reprendre une assiette d’entrées ?

Hector : Non. Tu en as eu assez comme ça. C’est les pauvres qui prennent tout ce qu’ils peuvent quand on leur présente un choix qu’ils n’ont jamais vu. Les gens qui savent vivre sélectionnent juste quelques mets.

Alice : Ah oui ? Et toi, tu te ranges dans quelle catégorie ?

Hector : Moi ? Moi, c’est tout à fait à part. Les artistes et les penseurs appartiennent à une catégorie décalée. Ils sont doués d’une sorte d’extraterritorialité.

Alice : C’est ça qui leur donne ce petit air d’être toujours à côté de la plaque ?

Hector : Pas du tout. Ils voient tout dans la société mais on ne peut les ranger dans aucune catégorie. Personnellement, je mène une existence amphibie : on dirait que je partage l’existence du commun des mortels, mais souvent je m’absente pour prendre place dans un monde parallèle, le Royaume de la pensée. Ça fait que quand je reviens dans la vie de tous les jours, je peux descendre dans la cabane du pauvre aussi bien que dans le palais du riche.

Alice : Ici, c’est plutôt le palais du riche.

Hector : Regarde Baudelaire, il menait tantôt une existence de dandy, tantôt de clochard. Mais même dans ce cas, il y avait un avantage parce que les poètes avaient un rapport privilégié avec les filles. Elles ne pouvaient pas s’empêcher d’avoir un petit faible pour eux. C’est pour ça qu’elles leur faisaient crédit quand ils étaient fauchés. Ils avaient aussi droit à des petits suppléments.

Alice : Forcément… Mais c'est fini tout ça. On n'est plus au XIX° siècle.

Hector : On est au XVII° ou au XVIII°. Ce qu'ils n'auraient pas su faire en ce temps-là, c'est une faute de goût. Je me demande comment ils ont réussi à entasser tant de palais les uns sur les autres.

Alice : C'est que Gênes est coincée entre la mer et la montagne. Y a des bâtiments où on pénètre par le 5° étage.

Hector : Il fallait avoir des cuisses en acier et de sacrés mollets pour vivre ici. On va souffrir...





bottom of page