top of page

Changer de file sur l'autoroute


J'ai toujours rêvé d'avoir ma chambre au dessus d'une autoroute à grand trafic. Quel spectacle depuis mon lit ! Quelle poésie, ! Suave mare magno... Quand on est sur le macadam, c'est autre chose.

À chaque fois, ils me font le coup ! Quand le trafic est dense et que je ne serre pas assez la voiture qui me précède, il y en toujours une qui en profite pour changer de file et pour me passer devant. Primo, c'est idiot parce que, le plus souvent, la file qui semble la plus ralentie se débloque tout à coup et inversement. Secondo, c'est inélégant. Tertio, c'est dangereux. Je ne comprends pas que les gens se conduisent de la sorte !

- Ah, tu ne comprends pas ! C'est très simple : tu n'as qu'à t'examiner toi-même une minute et tu comprendras très bien.

- ... Il y a du vrai dans votre remarque, il a dû m'arriver de faire la même chose. Mais pas souvent... Sans doute que j'étais pressé.


En relisant ce brouillon de dialogue, je repense à Tocqueville quand il écrit :


Si au goût du bien-être matériel vient se joindre un état social dans lequel la loi ni la coutume ne retiennent plus personne à sa place, ceci est une grande excitation de plus pour cette inquiétude d’esprit : on verra alors les hommes changer continuellement de route, de peur de manquer le plus court chemin qui doit les conduire au bonheur.


Ce que Tocqueville décrit-là, c'est la société moderne, la nôtre, dans laquelle nous avons défait la plupart des nœuds qui nous rattachaient les uns aux autres. J'en retiens l'idée que la loi de l'individualisme, ce n'est pas l'autonomie, comme on pourrait croire et comme l'ont cru les Lumières, mais l'aliénation : chacun regarde ce que font les autres et les imite...

Ne vous inquiétez pas, cher lecteur bien sourcilleux, Ce n'est pas que je sois pour l'esclavage : je demande juste qu'on réfléchisse que la liberté est chose ambivalente comme bien des choses en ce bas monde.

À propos, je pars à Toulouse dans une heure : en train !

bottom of page