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Freud et l'esprit d'escalier


Charmante soirée sur la terrasse de nos amis Bruno et Nanou, dont la villa me rappelle, Castel Abadie à Château-Gombert, où j'ai passé ma petite enfance, avec le spectacle de la rade de Marseille en plus. Bruno m'a présenté à ses hôtes comme un grand pourfendeur de la psychanalyse. Bien sûr, je me suis récrié, me réservant de parler en peu plus tard de Paul Diel.

Mauvaise politique ! Il est difficile d'attirer l'intérêt sur un nom que personne ne connaît. C'est en regardant un pigeon marcher sur une balustre le lendemain que j'ai trouvé ce que je dirai la prochaine fois en pareil cas. Je dirai que Freud a bénéficié depuis un siècle d'une promotion extraordinaire, exactement comme Marx, dans toutes les langues et toutes les écoles du monde, accompagné d'un pilonnage publicitaire faisant croire à une innovation absolue. Seule la Bible avait bénéficié d'une semblable promotion par le passé. Marx est en réalité un réformateur social parmi beaucoup d'autres dans les années 1840. Ce n'était ni le premier ni le meilleur, l'application de ses principes ne l'a que trop montré.

Aujourd'hui, la pulsion de mort, la castration et l'Œdipe ne sont plus utilisés par les psychanalystes qui ont diversifié leurs pratiques à partir d'auteurs plus pragmatiques. On nous a fait croire que Freud avait découvert l'inconscient. Il a recollé deux mots grecs vieux de 3000 ans psychè et analyse et il a rebaptisé inconscient ce que les Grecs appelaient pathos et nos moralistes classiques passion. Il est vrai que Freud a changé le contenu de l'inconscient et mis du sexe là où Homère, Sophocle, Socrate ou Thucydide voyaient de l'hybris, c'est-à-dire de l'orgueil. Mauvaise bifurcation, à mon avis.

Les génies de la tradition grecque étaient donc aussi aveugles qu'Œdipe ? Et Jésus, avec son Évangile, son fils prodigue et ses ouvriers de la 11° heure, avait-il aussi une poutre dans l'œil ? En tout cas, Montaigne et les psychanalystes du XVII° siècle, je veux dire les moralistes jansénistes, comme Pascal, la Rochefoucauld ou Nicole, ont approfondi l'analyse grecque de l'orgueil sous le nom d'amour-propre. La Rochefoucauld disait que la conscience était comme l'œil qui voit tout sauf lui-même. Rousseau à leur suite a découvert les quatre formes de l'amour-propre blessé : vanité/honte/mépris/envie. Adler et Diel sont ses héritiers. Je vois une validation de cette psychanalyse-là dans le fait qu'elle recoupe largement ce que révèle la psychanalyse indienne, hindouiste ou bouddhiste sous le nom de méditation. Quant au transfert, les catholiques le pratiquent depuis le concile de Latran en 1215.

Voilà la riche tradition qui est royalement ignorée et perdue sous le prétexte d'une remise des compteurs à zéro. Voilà ce que je dirai la prochaine fois et qui ne manquera pas de provoquer des discussions. Pour la plus grande satisfaction de mon amour-propre...

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