C'est qui votre votre général préféré ?
Encore un film ! J’ai vu Napoléon avec Antonia. Ça se laisse voir grâce au masque impavide de Napoléon et à l’apparat impressionnant du pouvoir. À Joséphine aussi. Mais les batailles ! Ah les batailles ! On n’en peut plus de toutes ces batailles ! Les hommes se ruent en hurlant comme des animaux. Ça siffle, ça pète, ça craque dans tous les sens. On n’y comprend rien, on ne sait même pas qui est qui, comme chez Stendhal. Les chefs crient des ordres censés dominer la panique et le vacarme.
Et dire qu’on gave les jeunes de films de fiction manichéens remplis de combats féroces entre des brutes sur-armées, comme s’il n’y avait pas assez de vraies guerres en Ukraine et en Palestine ! Pauvre de nous...
Ces combats sont aussi horribles qu’édulcorés. Bien sûr, on barbouille un peu de sang par ci par là et quelques atrocités sont aperçues en une fraction de seconde. Homère entrait au moins dans les détails, décrivait le parcours de la javeline qui perçe la peau du héros sous l’oreille, lui renverse toutes les dents d’ivoire comme des dominos et ressort en bas du cou. Ou alors, une flèche ailée apporte l’âpre mort en perçant le flanc du guerrier, ressort au pli de l’aine et traverse encore la cuisse. Bientôt, ajoutait le vieux poète, une vieille maman pleurera et une jeune épouse.
Ce que le cinéma ne nous dit jamais, c'est ce que les petits soldats ont dans la tête quand ils s’élancent dans la mêlée. J’aimerais bien trouver un livre qui s’appellerait Psychologie du soldat. Une fois, dans un musée, j’ai été impressionné par un tableau représentant des cuirassiers de Napoléon avant la charge, bien alignés, attendant les ordres, les cuisses gonflées sur le flanc des chevaux qui piaffent. Il y en a qui ont des moustaches. Il y en a un qui a retiré son beau casque pour se gratter la nuque et on voit son visage humain. C’est au petit matin par un vent glacé, dans un champ labouré, avec des flaques d’eau .
Ce que j’aimerais bien connaître aussi, c’est comment ça s’organise. Quelle vision les généraux peuvent-ils avoir de l’ensemble, comment ils sont informés par les estafettes et comment ils donnent les ordres, qui sont exécutés ou pas au milieu du bruit et de la fureur. Tout ce que je sais, c’est que mon général préféré, c’est le général Koutouzof chez Tolstoï.
Photo : Les Cuirassiers avant la charge par Ernest Meissonier (fragment).
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