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Je suis un islamo-gauchiste !



L'autre jour, un de mes collègues m'a demandé tout à trac : Comment tu définirais un islamo-gauchiste, Bruno ? J'ai tout de suite flairé le piège et j'ai paniqué. En y repensant, il me semble pourtant que j'en suis un, d'islamo-gauchiste, comme vous peut-être, mon lecteur. Voyons un peu.

D'abord, si on est contre le capitalisme et contre la mondialisation ultra-libérale, on est automatiquement de gauche. Au sens socialiste-républicain du XIX° siècle, évidemment. Pas au sens du XX° siècle pollué par le stalinisme, le maoïsme et le molletisme (Guy a bombardé Suez et guerroyé en Algérie).

Ensuite, on est islamophile. Comment ne pas l'être ? Déjà, toutes les civilisations sont aimables rien que parce qu'elles sont des civilisations et qu'elles ont fait l'humanité pendant des siècles et des siècles. Sinon, on n'a plus qu'à continuer à javéliser notre pauvre planète et à réduire les humains à l'état de consommateurs sans saveur ni odeur autre que la sueur de la rivalité pour l'argent. Je sais que pendant que je vivais en Corse, je sympatisais fort avec les autonomistes qui voulaient préserver leurs merveilleuse culture montagnarde contre le bazar (je suis poli) touristico-commercial qui défigure les plus beaux sites de l'île. Pareil avec l'exquise civilisation arabo-musulmane, comme disait Nietzsche, aussi admirable que l'antique civilisation indienne ou la merveilleuse civilisation chinoise. Je suis donc un islamo-gauchiste. Mais attention, je suis contre le terrorisme sous toutes ses formes, qu'il soit intellectuel ou armé ! Donc rien à voir avec les extrémistes ex-mao, ex-stal, ex- tout ce que voudrez, ou néo-autre chose qui fricotent avec les salafistes et autres teigneux. On a déjà eu deux totalitarismes au XX° siècle, ça suffit comme ça ! Je me demande s'il y a en a beaucoup, de ces gens-là. Gilles Kepel s'en plaint. Pierre-Henri Tavoillot, Président du collège de Philosophie, s'en plaignait aussi à 28 Minutes sur Arte samedi et, surtout, Jean Birnbaum, vous savez, le directeur du Monde des livres, l'ami de Sandra, en parle d'expérience en tant qu'ancien trotskiste dans un article qu'on peut retrouver en ligne facilement en date du 25 novembre dernier et dans son excellente Religion des faibles dont je vous ai déjà parlé ici. Il parle en connaisseur de sa génération de militants en deuil de l'espérance révolutionnaire marxiste et reconvertis dans les révolutions algérienne et iranienne qui les ont bien déçus aussi.

Quant à la ministre des Universités, elle a fait une belle boulette (là encore, je suis poli). La preuve, la fourmilière universitaire est en ébullition. Elle a dit que s'il y avait plein d'islamo-gauchistes dans la société, il devait y en avoir aussi à l'université. Spontanément, j'aurais plutôt pensé le contraire parce que dans notre pays, ce sont plutôt les intellectuels qui ont la spécialité de la radicalité, y compris dans ses formes les plus aberrantes. Mais franchement, j'ignore absolument combien il y en a, je veux dire dans quelle proportion et je me demande bien si qui que ce soit peut le savoir. Les 600 qui ont signé une protestation sont-ils plus renseignés ? Ils craignent une dérive fasciste de la France comme en Hongrie ou au Brésil. Moi, non. Il y a cinquante ans que j'entends ça tous les ans. En mai 58, on a traité le vainqueur de Pétain, de fasciste, en mai 68, on a crié CRS = SS. À chaque fois, c'est pareil, le manichéisme simplifie tout. On fait deux camps, on creuse des tranchées et on s'envoie dessus des louches de gadoue. On est ensemble, dans le bon camp, on a des boucs émissaires (qui ne sont pas tout blancs, eux non plus évidemment) et ça tourne en circuit fermé.

Si le fascisme doit venir de quelque part, ce n'est pas de trop de République française, laquelle est au contraire l'une des plus démocratiques du monde, mais de pas assez de république française. Ce qui doit nous faire peur, ce sont certaines formes de populisme et de complotisme genre américain. Et, en effet, la démocratie se porte mal un peu partout dans le monde. Le combat prioritaire, c'est de cultiver le sens civique de la jeunesse, de se recentrer sur les fondamentaux, et d'abord sur la défense de la terre-patrie.

Un danger fasciste descendant de l'Élysée, vous y croyez, vous mon lecteur ? Par contre, l'interdiction du glyphosate à trois ans avec aide aux agriculteurs, ça j'y crois !


Photo : la grande mosquée de Chiraz, 15 avril 2019, 10h 47.

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