L'entrée au bloc
Je me livrerai à un bref commentaire du dessin qu’Antonia a offert à Michèle la semaine dernière. C’est l’entrée au bloc. Bloc dont on ne ressort pas comme ça, avec pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, deux forts verrous en haut et en bas. La patiente, légèrement inquiète, valise à roulette soigneusement préparée, est bien emmitouflée (pas pour longtemps), pull à col roulé, pantalon bouffant et souliers bien lacés. Il n’en va pas de même des deux opérés qui repartent, à poil, tout couturés, sur leurs jambes, oui, mais d’une allure quelque peu mécanique. Pour l’ambiance, deux anatomies ornent le mur, lui-même rapiécé, d’ailleurs.
Le billard est assez encombré d’ustensiles et d’organes divers conservés dans des bocaux. Le chat tout hérissé, comme l'entrante, renifle les restes d'une patiente, un peu raccourcie, pour qui ça a mal tourné.
J’aillais oublier le chirurgien, gentiment caricaturé, nœud pap comme il se doit, lunettes spéciales et pantoufles d’hôpital. Il a des mains d’or, certainement, gantées de latex vert, mais, pour le moment, il les garde sagement le long du corps. Son menton en galoche n’est pas trop à son avantage, auquel répond un étrange toupet de cheveux, mais il a l’air bienveillant et même souriant. Il paraît qu’il a réalisé lui-même sur son crâne la trépanation dont on aperçoit encore les coutures. À quel effet ? Il tient à la main une poche rempli d’un liquide jaune comme on en voit une rouge et une verte sur le dessin.
Vous me direz que tout cela est d’un hyperréalisme un peu inquiétant. Ce n’est qu’une apparence. Il s’agit en réalité d’une conjuration, d’une antiphrase, dirait-on, si c’était de la littérature : Ça ne se passera pas comme ça !
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