La véritable élégance
J’ai vécu bien des d’années auprès d’une femme merveilleuse qui m’a appris ce qu’était l’élégance. 3 adjectifs reviennent dans tous les messages que je reçois : lumineuse, généreuse, élégante. Sont-ils si différents ?
La maison était sa passion. En matière de vêtement, d’architecture, de mobilier, l’élégance est dans la simplicité et dans le naturel, ce qui élimine aussi bien la préciosité et le tape-à-l’œil que le commercial et le conventionnel. Aucun objet de valeur, mais aucun objet de plastique ni de camelote. Chaque objet choisi pour ses tons, pour son intégration dans l'ambiance et pour la matière naturelle dont il est fait, bois, pierre, brique, papier, verre, acier, lin, chanvre, chaux, guère plus. Je n’aime pas le luxe, disait-elle. Ces objets et ces meubles auront une histoire, celle du temps, ce grand sculpteur, depuis la géologie organique qui a dessiné les vagues de ces marbres, récupérés et assemblés par mes soins, jusqu’aux entailles de l'usage dont ils portent la marque. Peu de nos affaires ont été acquises chez IKEA ou chez Leroy Merlin mais beaucoup dans les brocantes et les vide-greniers. Mais foin du vieillot et du bon vieux temps ! Dans un ramassis de pauvres choses, un objet s’est signalé par sa matière et sa forme. Pas de tableaux : la bonne échelle est donnée par chaque pan de mur, traité comme un tableau dont l’harmonie provient de l’arrangement des objets et de leur pigment. Elle choisissait sa serviette de plage en harmonie avec les galets.
C’était cultiver, en termes pédants, une éthique de l’esthétique. Son mot, si souvent répété, était plus commun : Je veux qu’on se sente bien. L’ambiance et la circulation étaient toujours reliées à la nature, ouvertes à l’hospitalité, donnant au mot écologie tous ses sens possibles.
La simplicité et le naturel, ce n’est pas de la déco, ce vilain mot, c’est une façon d’être relié, de l’ordre de la générosité. Ici, l’élégance du style rejoint l’élégance du cœur, la seule vraie élégance. Tout le principe de sa morale se résume en un mot : faire plaisir aux autres. Moi, je m’efforce d’être généreux mais j’ai toujours été dépassé. À chaque coup, elle sur-dosait. Je conserverai cette leçon. La mesquinerie, voilà l’ennemi. Toujours sur-doser de peur de sous-doser.
Voilà ce que le grand Bourdieu n’a jamais pu comprendre, lui pour qui le style et la distinction ne seraient qu’un sens de l'orientation sociale ! La seule chose qui nous sera comptée à l’heure de notre mort, c’est la générosité dont nous avons été capables.
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