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Les Romains étaient-ils de beaux salauds ?



C’est un peu ce que j’ai toujours pensé et le livre de Jacques Gaillard, mon ancien camarade d’hypokhâgne, le confirme. J’ai déjà cité ce livre, Les Romains, le temps et les choses. Son style volontiers insolent et humoristique doit sûrement quelque chose à notre maître commun, Paul Veyne.

Pour les Romains, il n’y a que la force qui compte. Loin d’avoir honte de leur domination, ils en sont fiers, la clament et la réclament. Il y a deux forces, la richesse (agraire) et l’épée. Le citoyen romain est d’abord un soldat et il est riche. La République est une oligarchie de riches soldats. Ça peut aller ensemble, voilà ce que montre le livre. Ils ont écrasé le monde entier sans aucun scrupule et imposé leur loi. Le premier qui bronche sera crucifié ou livré aux bêtes.

Autre chose ressort du livre de Jacques, c’est le démon de l’organisation et de la discipline. Le contraste est saisissant avec les Grecs, plus artistes, plus philosophes, plus querelleurs aussi. À Rome, disait Élie Faure, l’artiste, c’est l’ingénieur. Il n’y a pas que les routes, les ponts, les aqueducs, il y a aussi le droit, l’administration, le cadastre, la discipline militaire et le patriotisme républicain. Souvenez-vous de Torquatus qui fit trancher la tête à son propre fils qui était sorti des rangs sans ordre bien qu’il eût remporté une victoire, de Régulus, prisonnier sur parole, qui retourna à Carthage où il fut livré au supplice, ou de Caton qui pratiqua le seppuku devant l’agonie de la République. La piété elle-même peut s’entendre comme une forme de discipline.

Résultat : les Romains gagnent toujours. Cela aboutit à la Pax romana sur le plus grand empire du monde antique.

Je me dis que si les Romains sont clairement de beaux salauds, il n’est pas sûr du tout que les autres peuples aient été plus tendres mais les Romains sont des salauds qui ont réussi, et qui ont laissé des livres et des monuments. Ce pourrait bien être la même chose avec le colonialisme occidental. Les Européens ne sont pas forcément plus méchants que les autres. Ils avaient seulement en main des armes et des outils terriblement plus efficaces avec lesquels ils ont soumis le monde.

Tout cela, bien sûr, n’est pas trop rassurant. Il vaudrait peut-être mieux que les autres soient meilleurs que nous.

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