Les romans qu’on n’écrit pas
J’achève un petit roman que j’appellerai Une histoire d’amour. C’est un roman vrai qui commence par la fin d’un couple et finit par son commencement. Je me suis aperçu, chemin faisant, que d’autres romans auraient pu se greffer sur celui-là à partir des mêmes personnages, avec d’autres aussi, et le modifier, mais ces romans n’ont pas eu lieu ou ils ont tourné court. J’ai les points de départ mais la suite reste à imaginer.
Mon titre est emprunté à une nouvelle de Giono qui a eu l’idée et le talent d’écrire plusieurs romans parallèles avec les mêmes personnages, Angelo Pardi et Pauline de Théus. Le roman principal, on va dire le vrai, c’est Le Hussard sur le toit. Vous vous souvenez qu’Angelo, réfugié sur les toits de Manosque, descend la nuit dans les maisons pour trouver à boire et à manger. Il tombe sur une jeune femme qui, au lieu d’être terrorisée, lui offre l’hospitalité, en tout bien tout honneur s’entend. C’est Pauline de Théus, la femme d’un noble légitimiste. Ils cheminent de conserve à travers la Provence ravagée par le choléra. Quand une nuit, en rase campagne, Pauline tombe de son cheval et se met à vomir une sorte de riz au lait, Angelo est obligé de la dénuder pour la frictionner. Il la sauve et ils se quittent…
Eh bien, dans Mort d’un personnage, on retrouve Pauline de Théus à Marseille, mais, cette fois, elle a 90 ans. Angelo est sûrement mort, mais Pauline a un fils et même un petit-fils qui portent tous le même prénom, Angelo. Pauline vit jusqu'à son dernier souffle dans une unique pensée : Angelo 1. On ne saura jamais comment elle a pu avoir un fils de lui. Un roman qui n’a jamais été écrit le raconterait.
Dans Une histoire d’amour, troisième roman donc, Giono raconte une autre mort de Pauline, à 25 ans cette fois, et dont le partenaire n’est plus Angelo mais le capitaine de gendarmerie Martial Langlois. Langlois, c’est l’anagramme de Angelo, et il a le double d’âge, dans les 50 ans, donc l’expérience. À la tombée de la nuit, dans la garrigue, un tireur d’élite transperce son chapeau à plusieurs reprises. Langlois finit par l’abattre et découvre que c’est une jeune femme, Pauline de Théus. Il ne fera pas pouliner sa jument. Photo : prise au MUCEM, expo sur la mode de cet été.
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