Race ou racine ?
Quel rapport étymologique entre ces deux mots, le pire, race, et le meilleur, racine, qui se ressemblent trop mais qui n'ont rien à faire entre eux ? J'ai fait ma petite enquête. Racine vient du latin radix, radicis qui a aussi donné radis. Quant à race, on n'en sait rien : la racine de race, si je puis dire, on la connaît pas. Un mot bâtard, en quelque sorte, ce qui est un comble vu ses prétentions.
Mais il y a un siècle, race n'était pas un momodi, un mot maudit. Proust parlait de la race de Combray comme la plus pure, c'est-à-dire exempte des vices du Faubourg Saint-Germain. Péguy parlait de la race de sa mère, la rempailleuse de chaises, pour parler de son amour du travail bien fait. Il fut à l'avant garde du camp dreyfusard et prit la défense des juifs en général en ce temps d'antisémitisme virulent à gauche comme à droite.
Aujourd'hui, la cause est entendue : exit le mot race !
Racine est au contraire le mot qu'il nous faut. Bien sûr, la racine est méprisée par les rats des villes, les rats d'égout, les rats de poubelle, par les citadins qui jettent leurs mégots et leurs débris de plastique dans la nature, par les amoureux du macadam et du béton, par les financiers aussi, les commerciaux, les cols blancs, les fabricants de tomates en plastoc, par les platoniciens, par les cartésiens et par les théologiens de la cité céleste.
Nous devons tout à la racine : les plantes, les herbivores qui mangent les plantes, les carnivores qui mangent les herbivores, et les vastes cités des hommes. Merci, la racine !
Naturellement, je prends aussi le mot au sens figuré. Simone Weil disait que le droit à l'enracinement devrait être ajouté aux droits de l'homme. C'était en 1949, au temps des grandes déportations, après les camps nazis et à l'époque du goulag. Les marxistes disaient que le patriotisme était un honteux préjugé bourgeois alors même que les bourgeois organisaient l'exode des ruraux vers les usines. Depuis, les éradications se multiplient sous le nom de mondialisation déchirant sans cesse le tissu social. En un mot, les grands mères sont de moins en moins nombreuses à aller chercher leurs petits-enfants à l'école.
Donc vivent nos villages, nos quartiers et nos nations ! Mais attention à la contamination de la racine par le racisme. Il n'y a qu'une lettre de différence et c'est cette toute petite lettre en forme de vrille qui transforme les justes revendications identitaires, qu'elles soient ethniques et religieuses, en persécutions, pogroms et fascismes. Simone Weil défendait le droit à l'enracinement mais ajoutait que le déracinement, c'est la vie de l'esprit.
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