Psychanalyse et érotisme
J'aimerais revenir une minute, mon lecteur plein de patience, sur les dernières paroles de Socrate à ses disciples qui viennent de lui demander ce qu'il voudrait qu'il fasse pour ses enfants ou à propos d'autre chose quand il ne sera plus là.
Faites exactement ce que je ne cesse de dire et rien de plus nouveau. Parez votre âme d’une parure qui, au lieu de lui être étrangère, soit une parure à elle, je veux dire de tempérance, de justice, de courage, de liberté et de vérité. En ayant ainsi souci de vous-mêmes, vous ferez par amour tout ce qu’il vous arrivera de faire, quand bien même à présent, vous ne vous y seriez pas engagés. Mais si vous n’avez pas souci de vous-mêmes, si vous ne consentez pas à vivre en suivant la leçon de nos entretiens, alors, quels qu’aient pu être le nombre de vos engagements actuels, vous n’y gagnerez absolument rien !
Ces mots sont bien intéressants. Les Athéniens du V° siècle étaient ivres de beauté, à commencer par la beauté du corps masculin. Les sculpteurs venaient chercher leurs modèles à la palestre où les garçons s'exerçaient entièrement nus. Socrate lui-même avait pour amant Alcibiade, le plus beau garçon du siècle qui traînait toutes les filles après lui. Mais avec un petit supplément, c'est qu'il voulait rendre l'âme d'Alcibiade aussi belle que son corps. Socrate faisait coïncider le Bien et le Beau, en en bon grec, psychanalyse et érotisme.
C'est pourquoi, dans ses dernières paroles, Socrate présente la sagesse comme une parure, mais une parure intérieure. Il la présente aussi comme un bénéfice et non pas comme un sacrifice auquel on aurait à s’obliger, ni même comme un geste désintéressé. L’amour des autres ne résulte pas d’une injonction mais d’une économie psychique pertinente. En insistant sur la beauté intérieure, Socrate fait appel davantage à l’amour-propre qu’à la morale, un amour-propre bien compris. Le souci d’autrui est cependant loin d’être oublié puisque Socrate est en train de dire que ses disciples agiront avec amour à l'égard de ses enfants et à l'égard des autres s’ils le font à partir d’un cœur harmonisé.
En cela, il se rapproche des sagesses orientales dont le premier souci est le traitement de la souffrance lequel passe par le dégonflement de l’ego. L’injonction éthique n’aura d’efficace que si un travail intrapsychique pertinent a été réussi en amont.
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