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Sur la mort d'un moineau



Je viens de retrouver la rédaction faite par une collégienne de 13 ans le 27 octobre 1961. Le sujet demandait de raconter un moment malheureux. La collégienne a raconté une histoire que nous avons tous vécue, celle d’un oisillon tombé du nid, que les enfants recueillent et soignent en mettant des boules de mie de pain dans son bec et une petite goutte de vin blanc. Le moineau fut ravigoté mais, rapporte la collégienne :


à mesure qu’il prenait de la force, j’étais angoissée à la pensée qu’un jour il faudrait le lâcher. Ce tourment se dissipa bientôt car l’oiseau ne manifestait pas le moindre désir de s’envoler. Au contraire, il voletait sagement sur le balcon, revenant toujours au port d’attache.

Par une belle journée de juin, alors que le soleil inondait la salle à manger de ses rayons un peu trop chauds, papa décida d’aller baisser le store pour donner un peu de fraîcheur à la pièce. Quelques instants après, ne voyant plus notre ami rôder autour de nous comme il en avait l’habitude, nous nous demandâmes avec inquiétude dans quel coin il avait pu se fourrer. Nous entreprîmes aussitôt des investigations. Hélas, il était introuvable ! Ses endroits favoris, le canapé, les fauteuils, la niche de la bibliothèque étaient déserts et rien ne reflétait sa présence. Une vague d’angoisse et de pressentiment me prit. Les recherches se poursuivirent désespérées et infructueuses quand, tout à coup, je laissai échapper un cri d’horreur et d’effroi. Coincé sous les volets de la salle à manger, gisait, inerte et sanglant notre petit oiseau. Son petit corps avait été brisé et écrasé lorsque papa avait tiré les persiennes sans s’apercevoir de sa présence. J’éclatai en sanglots. Que deviendrai-je sans ce compagnon gai qui me faisait passer de si agréables moments ? Qui viendrait picorer mon goûter ? Qui se cacherait désormais dans mon bureau ? À qui confierai-je mes secrets puérils ? Toutes ces questions restaient insolubles. J’aurais donné n’importe quoi à ce moment-là pour le trouver encore vivant.

Ma pensée ne pouvait se détacher de Pierrot. Pierrot ! Pierrot !


J'ai pensé à ces vers de Catulle :

Passer mortuus est meae puellae, Passer, deliciae meae puellae, Quem plus illa oculis suis amabat.


Il est mort, le moineau de ma chérie, Le moineau, le plaisir de ma chérie, Plus aimé d’elle que ses propres yeux, Voici qu’il va, par ténébreux chemin, Là d’où personne, dit-on, ne revient… Malheur à vous, ténèbres de malheur Qui dévorez les plus humbles splendeurs : Vous m’avez pris le plus beau des moineaux !! Par ta faute, les yeux de ma chérie De gros pleurs et de rouge sont meurtris.

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