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Sur les études postcoloniales


La ministre des Universités a mis en cause les études postcoloniales pratiquées dans l'Université française. Ce genre de généralisation est injuste et pénible. Je distinguerai par commodité le postcolonial français et le postcolonial américain même si je sais bien que c'est la french theory qui a inspiré les campus américains. En ce sens, le post-colonial est beaucoup une affaire franco-française. Ce qui fait problème, quand même, c'est le débarquement de la cancel culture américaine dans nos campagnes et la tentation de liquider les Lumières européennes soupçonnées d'avoir fait le lit du colonialisme.

Le colonialisme reste assurément une tache sur le drapeau des III° et IV° républiques. Pourtant le projet de « civiliser les races inférieures » n'a pas toujours fait partie du programme du parti républicain. Le socialisme républicain développait au contraire dans les années 1830 un regard bienveillant sur l'islam, une connaissance fine et éclairée des civilisations de l'Orient inconnue d’Edward Saïd, et une critique de l'ethnocentrisme européen antérieure de 120 ans à celle de Lévi-Strauss.

Tocqueville : "Dieu nous garde de voir jamais la France dirigée par l'un des officiers de l'armée d'Afrique". C'est pourtant ce qui est arrivé le 15 avril 1834 et le 28 juin 1848 au plus grand scandale de Pierre Leroux.

Simone Weil en 1945 : "L'hitlérisme consiste en l'application par l'Allemagne au continent européen des méthodes de la conquête et de la domination coloniale."

Péguy : "La pourriture de l’Europe déborde sur l’Afrique devenue champ d’horreur, sadisme, exploitation criminelle. (Encore de la grippe, mars 1900) "Des peuples entiers torturés de tortures et de guerres, ces misérables populations coloniales, ces misérables populations extrêmes-orientales. (Par ce demi-clair matin, 1905)

J'aimerais aussi citer la belle étude d’Octave Mannoni, Psychologie de la colonisation. C'est au nom des valeurs républicaines que le socialisme républicain fit la critique du racisme et du colonialisme. Tout autre est le post-colonial américain inspiré par la french theory. Le structuralisme étant par nature anhistorique et anti-historique commence par refouler le continent histoire et spécialement le XIX° siècle qui s'était livré, il est vrai, à un historicisme exaspérant dont le marxisme fut le dernier fleuron.

Il en a résulté, montre Jean-François Bayart (Les Études postcoloniales. Un carnaval académique), une façon d'étudier le rapport colonisateur/colonisé en circuit fermé, coupé de l'histoire longue, coupé de l'économie politique, coupé de l'étude des impérialismes et faisant l'impasse sur le devenir précisément post-colonial des peuples décolonisés. Les résultats les plus choquants de l'opération sont l'amalgame, qui permet d'inculper l'Occident, la race blanche, les Lumières pris comme des blocs homogènes, et l'anachronisme qui déchiffre l’histoire à l’envers, faisant passer le passé devant le tribunal d'un présent plein de ressentiment. Pendant ce temps, la banquise est pourtant en train de fondre aux pôles et ce qu'il demeure encore de démocratie dans le monde, principalement en Europe, est victime du travail de sape de la déconstruction. Bientôt, nous serons à poil !








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