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Un chaudronnier à Cucuron


Maintenant, je parle à tout le monde au café. L’autre jour, c'était à un chaudronnier breton. Il y a longtemps que ça me turlupinait et je lui ai demandé : C’est quoi, au juste, un chaudronnier ? J’ai appris plein de choses. Ils étaient six frères qui ont tous été plus ou moins chaudronniers près des chantiers navals de Brest. Lui, après trois années d’apprentissage, il a fait des chaudrons pendant dix ans pour les restaurants et les collectivités, en alu ou en cuivre. Dans l’atelier, il y avait de centaines de marteaux ronds pour marteler le cuivre. Mais attention, il ne faut pas qu’il y ait la moindre rayure sur la tête du marteau, sinon, on la retrouvera dans la marmite et la sauce sera gâtée ! Après, il faut fixer les poignées ou le manche. J’allais dire souder et, là, j’ai appris la différence entre soudure et brasure selon qu’on fait ou pas l’apport d’un métal différent (à ne pas confondre avec l’abrasure et avec l’embrasure, hé, les intellos !)

Mais la chaudronnerie, c’est aussi l’art de plier et d’emboutir les tôles et surtout l’art de travailler les tuyaux. Mon informateur a fait la tuyauterie du Redoutable, le premier sous-marin nucléaire français : des kilomètres de tuyaux de tous diamètres et de tous usages. L’ingénieur vous donne un plan et débrouillez-vous. C’est de la géométrie dans l’espace. Il faut travailler au millimètre. Si vous partez de travers ne serait-ce que d’un millimètre, vous imaginez ce qui se passe 128 mètres plus loin. C’est le problème des fausses équerres, la galère des maçons. Le chaudronnier doit laisser à l’électricien qui passe après l’espace pour ses gaines. Ce qui est difficile, c’est de faire les coudes des tuyaux, coudes à 90 ° mais aussi à toutes les graduations, sans aplatir le tuyau, évidemment ! Quand le tuyau est vraiment très gros, 50 cm de diamètre, parfois beaucoup plus, on façonne des quartiers comme une orange et on les assemble ensuite.

- Hé, Matilda, ça t’intéresse ce que je raconte ? Même dans ta salle de bain, il y a des gaines et des tuyaux, ce que ton papa appelle la tripaille et qu’on cache le plus possible, mais il faudrait quand même que les demoiselles s'en avisent. Où est passé mon soutif ? Mes sœurs ont encore fait disparaître mon rimmel… Elles sont capables de faire leur petite toilette, ces demoiselles-là, sans la moindre pensée pour les artisans qui ont travaillé à plat ventre pour installer le lavabo et la cuvette des toilettes.

Antonia : Bono, t’es macho ! Pourquoi tu t’en prends pas aux damoiseaux ? Ils y pensent aux chaudronniers, les damoiseaux ?

Bono : Assez ! Ça suffit ! Au fait, il faudrait un volontaire pour aller vider le sceau d’organique sur le compost… Ne répondez pas toutes à la fois, les filles ! Un volontaire, c’est aussi une volontaire…

Antonia : T’avais qu’à pas l’dire au masculin, Bono. Bono : Ignorantus, ignoranta, ignorantum ! Tu ne sais donc pas que le masculin commande le féminin ! C’est la grammaire !

Antonia : On va la changer ta grammaire ! Tu l’as dit au masculin, donc c’est toi qui va le vider le seau.

Bono : Insolente, si j't’attrape …

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