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Une belle arlésienne


J’ai parlé plusieurs fois avec l’hôtesse de l’expo sur les gitans, en face du musée Arlaten, une hôtesse d’Air France plus que charmante revenue sur terre. On a d’abord parlé voyages, ça allait, mais, après, on a parlé photos. Sur les gitans, on était d’accord, leurs airs farouches, leurs violons, le déhanché des filles qui dansent au bord du Rhône, c’est magnifique. Sauf que j’en avais déjà vu la semaine passée au MUCEM et qu’il y en avait encore tout un étage au musée Réattu. Or ce sont des photos des années 50 ou avant et que je demande à être surpris par des photos contemporaines. La belle hôtesse m’a recommandé l’expo sur les travestis. J’ai détesté ! Rien ne me met plus mal à l’aise que les hommes déguisés en femmes. Alors elle m’a recommandé une expo sur des vêtements folkloriques indiens, des personnes déguisées en animal, des panneaux immenses avec des couleurs criardes. Je n’ai pas supporté d’aller jusqu’au fond de la salle. De toute façon, je déteste tout ce qui est folklorique. Elle, ça lui avait beaucoup plu, d’autant qu’elle n’aime pas le noir et blanc. J’ai commencé à m’énerver car j’aime justement beaucoup la photo humaniste en noir et blanc. Mais je lui ai dit qu’il y avait de la condescendance dans cet adjectif humaniste et que ça disait bien que la photo actuelle était inhumaine. C’est typique de la grande expo Diane Airbus (quel nom brutal !). J’ai trop souffert ! Un parti pris systématique de laideur dans des centaines portraits, mais sans aucune charité. Pour présenter cette expo, les curateurs ont choisi un couple en maillot de bain, avachi sur des chaises longues sur une pelouse râpée, jambes plus ou moins écartées avec au fond un enfant le derrière en l’air occupé à on ne sait quoi.

C’est clair, la tendance actuelle de la photo, c’est le conceptuel, le refus de toute empathie, la préférence pour le quelconque et le n’importe quoi parce que de toute façon, ça ne compte pas. Quel orgueil dans ce nihilisme ! Vous me direz qu’on n'a qu’à regarder ailleurs, par exemple la pub, sauf que j’aimerais vivre une époque créative capable de dire quelque chose à la jeunesse. Alors, j’ai traversé le boulevard en face de la Fondation Luma pour voir ce qu’exposaient les jeunes talents de l’École de photographie. C’était un rabâchage encore plus épouvantable, d’un ennui mortel.

L’hôtesse m’a dit que dans dix ans, tout le monde admirerait cela. Je lui ai rétorqué que le porte-bouteilles de Duchamp, ce coup de génie, ça faisait plus d’un siècle et que Flaubert avait fabriqué en 1869 l’oxymore art industriel. Elle a eu l’air interloqué, ce qui m’a fait de la peine car elle était bien jolie…

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