Vous en voulez une part ?
Pour son anniversaire, Antonia avait invité Léa, Lucie et Maël, entre 11 et 12 ans. Elles n’ont pas arrêté de pépier, de rire, de jouer, de se bousculer pendant 48 heures. Moi, j’observais de loin. Au déjeuner, on m’avait mis tout au bout de la table et on me servait avec la cuillère du diable (vous savez quand on invite le diable, il faut prévoir une très longue cuillère pour le service) et je bougonnais derrière mon masque. Je souhaitais qu’il pleuve pendant trois jours, je proclamais que les vacances étaient trop longues, que la crème solaire abîmait la peau et traitais les animaux de compagnie de fléau des temps modernes. Les fillettes me regardaient d’un œil inquiet ne sachant pas à quoi s’en tenir. Après, je leur proposais d’aller lécher une glace à Cucuron.
Je ne comprenais guère de quoi elles parlaient, que des riens certainement, mais tout était dans le ton, les mines, la vivacité, le rire, la complicité, les contacts. La grâce, quoi…
Or Sabine a 3 filles et si chacune ramène 3 copines, vous voyez ce qu’on appelle une croissance exponentielle. Justement, demain, c’est au tour de Faustine, 14 ans, et, après, de Matilda, 17 ans. Aïe, aïe, aïe ! Qu’est-ce que je vais devenir, pauvre de moi, au milieu de toutes ces jeunes filles en fleurs aux longues jambes fuselées… ?
Alors, j’ai pensé au vieux Flaubert. La grande amie de ses vieux jours, George Sand est enchantée de ses deux petites filles, les filles de Maurice, et lui écrit de Nohant :
Qu’on est donc bien ici, avec ces deux petites filles qui rient et causent du matin au soir comme des oiseaux, et qu’on est bête d’aller composer et monter des fictions, quand la réalité est si commode et si bonne. Moi qui ne me suis pas enterrée dans la littérature, j’ai beaucoup ri et vécu. À l’âge que tu as maintenant, j’aimerais te voir moins irrité, moins occupé de la bêtise des autres. Pour moi, c’est du temps perdu, comme de se récrier sur l’ennui de la pluie et des mouches.
Et le pauvre vieux Gustave se met à vaciller sur ses certitudes :
Ce que vous dites de vos chères petites m’a remué jusqu’au fond de l’âme ! Pourquoi n’ai-je pas cela ? J’étais né avec toutes les tendresses pourtant. Mais on ne fait pas sa destinée. On la subit ! J’ai été lâche dans ma jeunesse. J’ai eu peur de la Vie ! Tout se paye. Il y a un homme que j’envie par dessus tout, c’est votre fils ! Que n’ai-je arrangé ma vie comme la sienne. Ah ! si j’avais ses deux amours de petites filles, quel rafraîchissement ! Mais on n’est pas maître de sa destinée. Un jour, on se retrouve seul dans un trou, en attendant le trou définitif.
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