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À Arles où roule le Rhône…


J’ai bien des fois expliqué devant mes classes le poème de Prévert qui commence par ce vers tumultueux et raconte l’histoire de l’oreille coupée. Quelle belle ville ! Y avons passé 48 heures.

Commencé par la Fondation Luma. La tour de Frank Gehry nous a pas plu du tout. De loin, je reconnais qu’elle a de l’allure, sauf ces méchants placards rectangulaires qu’il a plantés sur les façades. Dedans, y a aussi un bel escalier à double révolution, façon Michel Ange. Mais, franchement, est-ce qu’on a besoin de tout ça ? Ça veut dire quoi, sauf à exprimer la vanité de l’architecte et du commanditaire ? Dedans, y a rien à voir sauf quelques installations absurdes, bizarres, ennuyeuses. Y a je ne sais combien d’étages avec des super-ascenseurs et des espaces triangulaires ou trapézoïdaux, des milliers de mètres carrés de verre et de métal pour que dalle. Un double tobogan géant où des retraités déversés par cars entiers glissent comme des gosses. Michèle a cité Montaigne « Tous nos efforts ne peuvent seulement arriver à reproduire le nid du moindre oiselet ni la tessiture de la chétive araignée. » Autour, des hectares de pelouses et des tumulus artificiels végétalisés à grand effort de goutte à goutte.

Ça, c’est pour le postmoderne auquel la bonne ville d’Arles a sacrifié, vaincue par un argument qu’un ne peut refuser, l’argent des laboratoires Roche qui nous ont endormis avec leur valium et leur tranxène. Quelle ville à prétentions n’aura pas son musée d’art contemporain, encore plus jobard que tous les autres, où les bobos du monde entier viennent meubler leurs loisirs mais certes pas leur esprit ! On avait pourtant dit que le monde d'après ne devait pas ressembler au monde d'avant !

À l’autre bout du curseur, le bout réactionnaire, il y a le Musée Arlaten, très joliment rénové. Je dirai que c’est un musée au carré. Bien sûr, il y a les tenues arlésiennes, les tambourins, l’équipement des gardians, tout le folklore arlésien, si charmant. Il y a aussi, à travers d’excellentes vidéos, un historique de la muséologie en général et à Arles en particulier. J’ai appris que c’est Frédéric Mistral qui a conçu l’Arlaten et que le Maréchal Pétain a fortement encouragé son perfectionnement... Nostalgie.

Entre le postmoderne et la tradition, il y a les photos. On n’a pas tout vu. Beaucoup de choses quelconques, une grande expo très tendance sur la masculinité, une vidéo très touchante sur la révolution soudanaise et un grand coup de cœur pour Sabine Weiss que je qualifierai de Bourdieu de la photographie : des gens très simples dans les années d’après guerre saisis aux quatre coins du monde, mais souvent sur les rives du Rhône, qui portent chacun le poids de leur destin sur leurs épaules et sur leur visage : métier, religion, us et coutumes. Le sociologue appelle cela habitus : notre condition sociale inscrite dans notre corps comme un fatum.

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